Cette manifestation non autorisée a eu lieu alors que le président biélorusse Alexandre Loukachenko est samedi à Sotchi, dans le sud de la Russie, pour s’entretenir de ce projet avec Vladimir Poutine. Selon le site Charter 97, une session du « Conseil suprême de l’Etat de l’Union » devrait se tenir demain 8 décembre à Moscou, au cours de laquelle ils signeront des documents d’intégration, dont 31 « feuilles de route ». Le contenu de celles-ci est tenu secret.
Pour la plupart assez jeunes, les manifestants se sont réunis vers midi sur une avenue du centre-ville de Minsk avant de se diriger vers le siège du gouvernement, portant des pancartes sur lesquelles était écrit « Ce n’est pas une intégration – C’est une occupation » ou « Le président vend notre pays ».
Beaucoup brandissaient des drapeaux de l’Union européenne ou l’ancien drapeau biélorusse blanc-rouge-blanc, aujourd’hui symbole de l’opposition. La police est rapidement intervenue pour encadrer la manifestation mais n’a procédé à aucune arrestation.
Annexion du Bélarus
Les spéculations vont bon train depuis plusieurs mois sur de présumées pressions de la Russie visant à former avec le Bélarus un seul pays.
Alexandre Loukachenko a plusieurs fois écarté ces craintes mais poursuit en parallèle un projet d’intégration plus poussé avec Moscou dans le cadre de « l’Union Russie-Bélarus », une alliance politico-économique aux contours mal définis datant de 1999.
Comme le rappelle Katsiaryna Zhuk, professeure en géopolitique, sur le site The Conversation, le texte de cette alliance prévoit à terme la création d’une confédération fondée sur une intégration commerciale, économique, douanière, culturelle, militaire, monétaire et industrielle, dotée d’un seul président, d’un Parlement unique, d’un drapeau, d’un hymne et d’une monnaie commune. Mais dans les faits et depuis sa date d’entrée en vigueur, les parties prenantes n’ont guère progressé vers cette unification politique des deux États « basée sur le respect de leur souveraineté respective ».
Après une rencontre entre les premiers ministres russe et biélorusse hier, Alexandre Loukachenko et Vladimir Poutine se sont rencontrés ce samedi pour le 20e anniversaire de cette Union, devant discuter selon le Kremlin des « perspectives d’approfondissement de l’intégration » entre les deux pays.
Au cours de leur rencontre, le président russe a dit vouloir tout faire pour que « nos peuples (…) continuent de se rapprocher, surtout dans le domaine économique et social ».
« Nous voulons juste des conditions égales, c’est tout », a de son côté déclaré M. Loukachenko, appelant Moscou à continuer à vendre du gaz et du pétrole à Minsk au même prix de vente que pour les entreprises russes.
Le Bélarus est très dépendant de la Russie
Petit pays aux portes de l’Union européenne dirigé d’une main de fer par Alexandre Loukachenko depuis 25 ans, le Bélarus est un des principaux alliés de Moscou même si les relations entre les deux pays traversent régulièrement des périodes de tension en raison de différends commerciaux.
Depuis l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par la Russie en 2014, Alexandre Loukachenko se montre particulièrement méfiant envers Moscou, dont son pays est malgré tout très dépendant, surtout au niveau énergétique.
Début 2019, la Russie a modifié sa fiscalité pétrolière d’une manière défavorable pour le Bélarus, qui lui reproche des pressions financières visant à maintenir sa domination politique sur son voisin. En effet, selon Katsiaryna Zhuk, « l’arrêt des aides et la taxation des importations de pétrole par la Russie pourraient renchérir leur coût de 8 et 12 milliards de dollars d’ici à 2024, une lourde charge pour les finances biélorusses ».
Plus encore, si on se fie à l’étude effectuée par l’institut Chatham House, les vecteurs de vulnérabilité du Bélarus sont nombreux et dépassent largement la question énergétique, même si la Russie représente la totalité de ses importations énergétiques. Figurent dans la liste : dépendance économique ; interconnexion des élites ; imbrications identitaire, religieuse, militaire, etc. La Russie est le principal partenaire commercial du Bélarus avec 50 % de ses exportations et 60 % de ses importations.
Un scénario « criméen » très peu probable
« Avec ses 44,83 millions d’habitants, sa situation stratégique dans la mer Noire et ses ressources, l’Ukraine est historiquement une pièce maîtresse dans la géopolitique de la Russie », explique Katsiaryna Zhuk sur le site « The Conversation ». La Biélorussie n’a pas le même statut sur cet échiquier.
Même si le russe est la langue maternelle de 42% de la population, il n’y a pas, à la différence de l’Ukraine, de zones à forte concentration de Russes de souche, qui ne représentent au total que 8 % de la population biélorusse. « Il n’y est pas non plus question de leurs droits, laquelle pourrait être utilisée pour déstabiliser la Biélorussie en ouvrant la voie à la défense des intérêts de la Russie. »
Enfin, « les risques et les coûts associés à la prise de contrôle d’un État de 10 millions d’habitants semblent démesurés par rapport aux gains que la Russie pourrait escompter d’une éventuelle stratégie d’annexion. »
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