Au moment où l’Europe est confinée pour freiner la pandémie de coronavirus, la vie à Minsk suit largement son cours, les autorités bélarusses se refusant à toute quarantaine généralisée malgré l’inquiétude de la population.
Autoritaire ex-république soviétique nichée entre l’Union européenne et la Russie, le Bélarus est l’exception en Europe avec un championnat de foot qui se joue dans des stades avec du public, une circulation automobile dense, des bus et métros bondés et les restaurants, magasins ou cafés ouverts.
Seuls quelques rares passants avec des masques dans les rues de Minsk, la capitale, rappellent que le pays est lui aussi touché par la pandémie liée au nouveau coronavirus, avec 1.486 contaminés et 16 morts officiellement recensés.
« C’est effrayant, tout simplement effrayant. Tous les jours, on regarde les nouvelles et c’est choquant. Nous n’avons toujours pas de confinement. A partir de lundi, les enfants vont retourner à l’école et nous allons de nouveau vivre dans la peur », raconte à l’AFP Angela, une mère au foyer de 45 ans.
« Dans tout le quartier, il n’y a qu’une pharmacie avec une centaine de masques et il n’y a pas de gants. Et lorsqu’il faut aller chez le médecin, il ne nous reçoit pas sans masque. On fait comment ? », abonde Elena, une chômeuse de 47 ans.
Symbole le plus criant de cette vie presque normale dans ce pays de 9,5 millions d’habitants, le championnat de foot et la coupe nationale sont les dernières compétitions d’Europe à continuer.
Mercredi, ont ainsi eu lieu des demi-finales de coupe, devant plusieurs centaines de spectateurs. Et ce week-end une demi-douzaine de rencontres sont prévues.
Depuis le début de la crise, le président Alexandre Loukachenko, en place depuis 1994, refuse les mesures de confinement, droit dans ses bottes. Il a même dénoncé une « psychose », affirmant que la « panique » était plus dangereuse que le virus lui-même.
Habitué des envolées verbales, il a aussi appelé ses concitoyens à continuer de travailler, à aller aux champs, à conduire des tracteurs – que son pays produit en masse – car « le tracteur guérit tout le monde ».
« Qu’est-ce qu’on va bouffer ? »
S’emportant une nouvelle fois à la télévision mardi, M. Loukachenko a clairement donné la priorité au maintien de la fragile économie du pays, par ailleurs très dépendante de la Russie.
« On parle partout de confinement, de couvre-feu. C’est la solution la plus simple, nous pouvons le faire dès aujourd’hui. Mais qu’est-ce qu’on va bouffer ? », a-t-il lancé lors d’une réunion gouvernementale.
Ces deux dernières semaines, l’atmosphère a commencé à changer à Minsk, les journaux des télévisions publiques ayant soudainement commencé à parler de la pandémie. Mais ils répètent qu’un confinement généralisé n’est pas une solution.
Dans la capitale, les plus de 65 ans ont été invités à rester chez eux et de nombreuses entreprises sont passées au télétravail. Mais bars, cafés et magasins restent ouverts, sans consignes particulières à destination des clients.
Les autorités justifient la souplesse des mesures par le strict confinement des malades. Elles revendiquent comme suffisant de tester les cas suspects et les personnes suspectées d’avoir été en contact avec la maladie comme suffisant tout en disant ne pas avoir dans l’immédiat la capacité de faire plus de 3500 à 4000 tests par jour.
La vice-ministre de la santé, Elena Bogdan, a assuré que tous les porteurs du coronavirus, même asymptomatiques, étaient isolés et hospitalisés. Les gens les ayant côtoyés sont tous mis en quarantaine. Le contrôle aux frontières est également très strict.
Sévèrement réprimée, l’opposition bélarusse dénonce, elle, une politique mortifère. « Les autorités préparent d’énormes économies sur les pensions de retraites », a lancé l’opposant Mikola Statkevitch dans un message vidéo, référence aux ravages que la maladie peut faire chez les plus âgés.
Pour des analystes, la réticence des autorités à instaurer un confinement est surtout due à la peur de conséquences économiques catastrophiques pour un pays qui lutte pour son indépendance énergétique face à son grand voisin russe.
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