Bakst, Léon [Rosenberg, Lev (Samoylovich)](Grodno/Biélorussie, 10 Mai 1866 – Paris, 27 Dec 1924). Ses dons exceptionnels de coloriste et de graphiste se sont déployés librement sur la scène, contribuant au triomphe des Ballets russes ainsi qu’à une nouvelle conception du décor théâtral. Ainsi a-t-il marqué de son empreinte les arts décoratifs et scénographiques de son temps.
Issu d’une modeste famille juive, Léon Samoïlovitch Rosenberg, qui adopte en 1891 le nom de son grand-père -Bakst – poursuit des études à l’académie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg puis, en 1893, à Paris où il suit les cours du peintre orientaliste Léon Gérôme et de l’académie Julian. Il effectue de nombreux voyages en Europe, notamment en Grèce et en Afrique du Nord. En 1891, il participe à l’exposition » Sécession » de Munich.
Bien connu à Saint-Pétersbourg comme illustrateur, aquarelliste et portraitiste, il collabore amicalement avec Serge Diaghilev et Alexandre Benois aux activités du Mir Isskoutsva (Le Monde de l’art). En 1904, il découvre Isadora Duncan et dîne avec elle chez Anna Pavlova. Il entreprend son célèbre portrait de Diaghilev, achevé et exposé à Paris en 1906. En 1905, il conçoit au palais de Tauride la scénographie de l’Exposition des portraits historiques russes puis, en 1906 au Salon d’automne de Paris, celle d’art russe, organisées par Diaghilev.
Simultanément il a débuté comme décorateur au théâtre impérial Alexandrinsky dans Hippolyte d’Euripide [1902] puis au Marinski dans La Fée des poupées [1903], ballet de Serge et Nicolas Legat, Une Nuit d’Égypte [1907] de Michel Fokine , première version de Cléopâtre [1909]. Pour raisons raciales, il doit alors quitter la Russie où il enseignait notamment à Marc Chagall. Il se fixe à Paris où il expose trente-neuf toiles à la galerie Bernheim-Jeune. Amedeo Modigliani fait son portrait. Très sollicité jusqu’à son décès, il poursuit en Europe une activité féconde de décorateur tant pour les Ballets russes, avec Ida Rubinstein, notamment Le Martyre de Saint-Sébastien [1911] de Claude Debussy et Gabriele d’Annunzio, Natacha Trouhanova avec La Péri [1912] de Paul Dukas, à l’Opéra de Paris avec La Nuit ensorcelée [1923] d’après Frédéric Chopin , Istar [1924] de Vincent d’Indy, crée des papiers peints, dessine pour les couturiers Paquin ou Worth, pour la revue américaine Harper’s Bazaar et décore la demeure londonienne de James de Rothschild de panneaux évoquant le ballet La Belle au bois dormant.
En 1923, après diverses disputes et réconciliations, il rompt avec Diaghilev qui n’oubliera jamais leur longue amitié orageuse et féconde.
Ami de Diaghilev avec lequel il collabore à Mir Isskoutsva, Bakst prend dès l’origine une part importante à l’aventure des saisons russes à Paris. Les costumes voluptueusement suggestifs animent cette frénésie extatique de couleurs qui aura tant de succès qu’on devra les refaire treize fois pour la compagnie.
Les costumes voluptueusement suggestifs animent cette frénésie extatique de couleurs qui aura tant de succès qu’on devra les refaire treize fois pour la compagnie. Contrastant avec le charme de l’arlequinade Carnaval [1910], avec la fraîcheur poétique du Spectre de la rose [1911], avec la sobriété sportive de Jeux [1913], Narcisse [1911] est une première approche de la Grèce archaïque que Bakst développera plus librement dans l’admirable fresque Daphnis et Chloé [1912], éclipsée par le succès de scandale de L’Après-midi d’un faune.
La même année Bakst s’inspire tour à tour de l’Inde et du Siam dans Le Dieu bleu, du Caucase dans Thamar, souffrant ici de la contrainte des costumes nationaux selon Grigoriev (op. cit., pp. 63-64). Il s’éloigne alors un peu de Diaghilev qu’il retrouve en Suisse en 1915 et qui lui demande à Rome en 1917 le décor et les costumes des Femmes de bonne humeur.
Dans le programme, il dit avoir représenté le décor comme vu à travers une hémisphère de verre lui permettant de déformer les lignes de perspectives qui, ainsi que leurs courbes concentriques font ressortir les axes verticaux des personnages. En mars 1919 il refuse d’exécuter en hâte décors et costumes commandés par Diaghilev pour La Boutique fantasque et se voit remplacé par André Derain (Richard Buckle, Diaghilev, Weidenfeld and Nicolson, London, 1979, p. 352).
Lorsque, faute de garanties financières, Alexandre Benois renonce à quitter la Russie pour concevoir les imposants décors et les trois cents costumes de La Belle au bois dormant [1921], Bakst accepte de le remplacer en évoquant somptueusement les fastes de Louis XIV et de Louis XV. Toutefois, très lié à l’art contemporain, il exige de se voir confier les décors et costumes de Mavra [1922], opéra d’Igor Stravinsky, et ne supportera pas d’être écarté en faveur de Léon Survage. Il mourra sans s’être réconcilié avec Diaghilev. Mais il a contribué de façon exceptionnelle à la gloire des Ballets russes et aux nombreuses reprises de leurs premiers triomphes.
Marie-Françoise Christout, docteur ès lettres, diplômée de l’Institut d’art et d’archéologie, conservateur honoraire à la Bibliothèque nationale de France, Département des arts du spectacle.
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