La Russie espère obtenir depuis longtemps une part des grandes entreprises bélarusses des secteurs agricole, chimique ou pétrolier, les deux économies étant très imbriquées.
La Russie et le Bélarus multiplient les passes d’armes, de déclarations fracassantes en boycott de marchandises, afin de faire valoir leurs intérêts mais restent loin d’un divorce même si Minsk menace de se tourner vers l’Europe, estiment des analystes.
Les services sanitaires russes ont interdit samedi l’importation de produits laitiers bélarusses en invoquant des problèmes d’informations sur leur composition, ce qui pourrait représenter un manque à gagner de plus d’un milliard de dollars par an pour Minsk.
Déjà baptisé « guerre de lait », le boycott a été décidé au lendemain d’une interview du président bélarusse Alexandre Loukachenko accusant notamment la Russie de conditionner l’octroi d’un crédit à une reconnaissance par Minsk des régions rebelles géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud.
M. Loukachenko a alors signifié à Moscou que les positions de son pays n’étaient pas « négociables » et mis en garde contre « une nouvelle Tchétchénie » si la Russie s’avisait de poursuivre des ambitions « impérialistes » dans son pays.
« La Russie a employé ses services sanitaires pour montrer à Loukachenko qu’elle n’accepterait plus d’octroyer au Bélarus (…) 10 milliards de dollars par an » sans rien obtenir en échange, explique l’analyste Iaroslav Romantchouk, du Centre de recherches MISES, à Minsk.
L’économie bélarusse, peu modernisée depuis la chute de l’URSS et toujours largement étatique, reste très dépendante du marché, des crédits et des subventions indirectes russes.
La Russie espère obtenir depuis longtemps une part des grandes entreprises bélarusses des secteurs agricole, chimique ou pétrolier, les deux économies étant très imbriquées.
« On m’a fait savoir au gouvernement (russe) : pas de lait tant que vous ne nous donnerez pas vos laiteries », a lancé M. Loukachenko dans l’interview aux médias russes. « La Russie a déjà fermé de facto son marché à (…) nos tracteurs et véhicules », a-t-il ajouté.
Longtemps considéré comme un paria en Occident, Alexandre Loukachenko a commencé à jouer d’un rapprochement avec l’UE qui a invité en mai le Bélarus à rejoindre son projet de « partenariat oriental » destiné aux pays de l’ex-URSS.
Fin mai, le leader bélarusse a lancé que Minsk n’allait pas « s’incliner » devant la Russie et qu’il allait dès lors « chercher son bonheur » ailleurs, des propos jugés « inadmissibles » par le président russe Dmitri Medvedev.
Lundi, il a une nouvelle fois menacé d’abandonner Moscou, son allié de longue date, au nom d’un rapprochement avec l’Europe.
« Vous devez être absolument sûrs que tout ce qui se passe avec nos partenaires occidentaux, l’Union européenne, n’est pas une mesure éphémère mais la réalisation de notre vision stratégique », a-t-il déclaré en recevant à Minsk le chef de la diplomatie slovène, Samuel Zbogar.
« Notre motivation est simple: les échanges commerciaux entre le Bélarus et l’UE sont aujourd’hui à peu près au même niveau que ceux avec la Russie », a-t-il ajouté.
Pour l’expert bélarusse Alexandre Klaskovski cependant, il est clair qu’à la différence de Moscou, « l’UE n’est pas prête à financer le Bélarus ». « Il ne s’agit pas donc d’un divorce avec Moscou, mais juste de pressions » réciproques.
« Ces embardées de part et d’autre ne signifient pas de changements profonds entre Moscou et Minsk : les deux partenaires négocient ainsi leurs relations à long terme », estime également l’expert Timofeï Bordatchev, rédacteur en chef adjoint du magazine La Russie dans la politique mondiale.
« En outre, Loukachenko est tout à fait conscient que son amitié d’aujourd’hui avec l’Europe finira demain à (la Cour pénale internationale de) la Haye », conclut l’expert.
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