Le pain est l’une des fiertés des biélorusses, ils en mangent beaucoup. Il existe du pain de seigle et de campagne, blanc salé et sucré, avec du pavot et des noix, des raisins secs, etc…
Le pain noir a une forme de brique, avec des grains de sésames, de coriandre ou de cannelle…
Les roulets sucrés, farcis ou natures pour les casse-croûtes. Les petits pains pour les soupes. La production est automatisée, mais ce sont les mains des femmes qui les pétrissent le mieux!
LE JARDIN PARADISIAQUE par G. Kabakova
Dans le scénario nuptial tel qu’il existe en Polésie – mon analyse s’appuiera sur les descriptions provenant essentiellement de cette région conservatrice, localisée au sud de la Biélorussie, un des symboles pertinents, le symbole par excellence est le pain. Sa confection et sa décoration, largement commentées par les chansons, ont habituellement lieu la veille de la cérémonie à l’église et constituent une séquence significative dans le déroulement des noces.
Ainsi, le «jardin », terme local appliqué aux décors du pain, renvoie à l’image du paradis (l’analogie s’explicite dans les chansons accompagnant le rite : «Korovaju-raju… »), du paradis incarné pour une fois. Mais outre son origine paradisiaque, voire sacrée, évoquée maintes fois par des «pâtissières-chanteuses », le jardin, privilégie ses rapports avec le jardin réel : les rameaux qui garniront le haut du pain viennent du jardin le plus proche, à l’issue de la cuisson, les femmes se lavent les mains et l’eau sale est versée dans le jardin, au pied des arbres fruitiers.
En acceptant l’idée de la « lecture » du pain comme texte sémiotique, essayons donc de le replacer dans le temps, de dégager ses implications symboliques renvoyant au passé, à l’« avant-texte », mais surtout axées sur le futur, sur l’après-noces, l’« après-texte ». Si le pain a tout d’un objet idéal, « paradisiaque », à force de tenir le discours sur la fécondité, sinon la sexualité, sujet pour le moins ambigu par nature, il contient en germe, à part des versions idéales parce qu’idéalisées, des pronostics affligeants mais vraisemblables.
L’inventaire des objets représentés sur le pain (korovaj) a incité les spécialistes à le considérer comme une image cosmogonique. Il est vrai qu’il y en a de toutes sortes : astres, animaux, oiseaux, fleurs et arbres. Par surcroît, c’est le Saint Sauveur en personne, secondé par la Sainte Vierge, saint Nicolas ou la Sainte Trinité, qui participe à la confection du pain, comme il s’ensuit des chansons dites « de korovaj ».
Les chansons constatent à plusieurs reprises la similitude entre le ciel semé d’étoiles et le pain couvert de sujets astronomiques, végétaux ou animaux. En outre, le pain principal est suivi de pâtisseries au choix, réalisées toujours dans le même esprit. Au premier abord, on est tenté de voir dans ce « jardin » paradisiaque l’image universelle et sommaire où tous les éléments constituant, se retrouvent à’ leur place.
Le pain lui-même en raison de sa forme circulaire fait penser au soleil. Le voisinage du soleil et de la lune peut être traduit comme la complémentarité parfaite du masculin et du féminin, l’abondance des étoiles parsemées ça et là comme le vœu d’une descendance nombreuse, etc. D’autre part, en tant que symbole complexe le pain s’inscrit également dans d’autres contextes à connotations métaphoriques où l’équilibre exemplaire de la vision cosmogonique se transmue en déviations dérisoires de l’idéal programmé.
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